L’équipe féminine du CEMT réalise jusqu’ici une des meilleures saisons en D1 féminine de basket-ball sénégalaise de l’histoire du club de Ziguinchor (région du Sud-ouest du Sénégal). Avant la 9ème journée de la saison régulière, CEMT est 4ème de la poule B, dernier qualifié pour les play-offs. Le club de Ziguinchor espère disputer les phases finales du championnat pour la première fois de sa jeune histoire. De quoi attirer l’attention des autorités locales sur les conditions difficiles auxquelles l’équipe est confrontée.
C’est au terrain municipal de Ziguinchor que l’équipe de CEMT s’entraîne ce vendredi 05 avril, veille de match de la 9ème journée de NF1 (National féminin 1). Il est 16:15 lorsque la séance démarre sous un soleil de plomb dans la capitale du Sud. Loin de la douceur du climat de Dakar où elles viennent d’essuyer leur 4ème revers cette saison (4 victoires). Déterminées comme jamais à briser le plafond de verre et accéder enfin aux play-offs de l’élite féminine, les filles du Coach Ibou Sarr y vont de gaieté de cœur dans les efforts malgré le Ramadan observé par certaines d’entre elles.
En route vers des play-offs historiques
Quatre ans après sa montée en NF1, CEMT espère enfin franchir un palier. Avec 4 victoires et autant de défaites, la formation du sud est à l’équilibre à la 4ème place d’une poule B dominée par la J.A, suivie par GBA et l’Asc Bopp. Lors de sa première saison complète en 2021, CEMT a frôlé de peu une qualification aux play-offs en terminant 5ème de la poule A où les 4 premières places donnent droit au précieux sésame. L’entraîneur Ibou Sarr espère une issue plus heureuse cette fois-ci. « Nous sommes à notre 5ème saison en D1, et on s’est fixé comme objectif d’accéder aux play-offs », a-t-il confié.
Créé en 2012, 10 ans après l’école de basket-ball, le club de CEMT ne cesse de progresser et s’est définitivement installé dans l’élite du basket-ball féminin sénégalais. C’est sur un effectif relativement jeune (19 ans) que le coach s’appuie. Cet entraînement de veille de match débute par un circus-shot dans un tout petit rythme. Une cadence qui s’intensifie sous l’impulsion d’un coach qui donne de la voix et leur rappelle que ce n’est pas un entraînement de petites catégories. « J’ai également introduit quelques fondamentaux offensifs avec des dribbles entre les jambes parce que plus de la moitié de l’équipe est sortie de l’école de basket cette année. Il est important d’y inclure de quoi développer leurs aptitudes athlétiques », a précisé Coach Sarr.
Cette équipe s’appuie sur du jeu de transition. L’essentiel de cette session est basé sur les combinaisons de passes en contrattaques. Si l’équipe manque de taille, elle compense par son physique impressionnant. « C’est une équipe très jeune avec 5 à 7 joueuses cadettes, autant de juniors et seulement 4 séniors. En plus, l’équipe manque de taille. Il faut donc des courses. C’est pourquoi notre jeu est basé sur les attaques rapides (…) J’ai sans doute l’équipe la plus physique du championnat cette saison. Cela s’est nettement vu lors de nos 4 victoires ».
Emmené par une Regina Diatta en feu et meilleure marqueuse de la phase aller du NF1 (134 points inscrits, 19,1 points par match), CEMT a réussi à capitaliser à domicile avec 4 victoires en 5 réceptions. L’ailière a réussi à scorer 42 points lors du succès 71-44 face à ISEG (J.7). Regina Diatta peut aussi compter sur la capitaine Viviane Gomis qui vient en appoint. L’équipe parvient à trouver des palliatifs collectifs pour suppléer ses atouts offensifs. « Lorsque l’équipe adverse opte pour isoler Regina, on a d’autres combinaisons offensives pour mettre en situation de scoring d’autres joueuses inattendues. On ne peut pas se permettre de mettre tous nos oeufs dans le même panier », a expliqué le coach Ibou Sarr.
Dans l’ombre du football et du Casa Sports
Dans cette partie sud du Sénégal, le football et notamment le Casa Sports font la loi. L’attention des populations est entièrement dévolue aux performances du club phare de football de la région naturelle. Les ressources sont quasi-totalement dévolues aux Vert et Blanc. Ce manque de soutien plonge CEMT à disputer ses saisons dans des conditions déplorables. « Cette saison est la plus difficile de toutes. Lors de notre dernier déplacement à Dakar, on était convoqué à 6h du matin mais nous avons dû quitter à midi parce qu’on manque d’argent. On cotise nous-mêmes pour voyager. On souhaite que les autorités ziguinchoroises nous appuient parce que nous sommes une équipe de 1ère division. C’est ce que l’on vit depuis 5 saisons qu’on a atteint l’élite », déplore la capitaine, Viviane Gomis.
Le club de CEMT ne bénéficie d’aucune subvention. Sans la détermination de son entraîneur Ibou Sarr, également fondateur du club, CEMT aurait pu renoncer à la D1 féminine au vu des manques logistiques. « On survit grâce aux dons de matériels de certaines de mes connaissances, d’anciens basketteurs… Ça fait 4 ans qu’on sollicite un appui de la municipalité. On espère qu’avec les récentes correspondances envoyées, notre SOS sera entendu. Chaque joueuse cotise 15 à 25 € (10 à 15.000 FCFA) chaque déplacement. Ça ne peut pas continuer », prévient Coach Sarr.
«Nous attendons la réfection de notre terrain d’entraînement »
Véritable homme à tout faire, fondateur, entraîneur, Ibou Sarr s’occupe lui-même d’acheter l’eau pour que les joueuses s’hydratent aux entraînements. L’entraîneur de 44 ans fait preuve d’une résilience à toute épreuve alors que CEMT vit un véritable handicap du fait de sa position géographique. Pas moins de 7 voyages contre 7 équipes de la capitale. « Les équipes de notre poule ne font qu’un seul voyage, quand elles doivent se déplacer à Ziguinchor pour nous affronter. Lors de notre dernier déplacement pour défier Jaraaf, on a attendu jusqu’à midi notre nouvelle joueuse en provenance de Sédhiou. Quand on l’a appelée au téléphone, elle nous a avoué n’avoir pas de quoi cotiser et qu’elle a honte d’être la seule dans ce cas. J’ai emprunté chez le boutiquier et lui ai demandé d’aller y prendre l’argent, de venir me le verser comme ci c’était son argent. Elle était embarrassée. Nous vivons cette situation quasiment à chaque déplacement », a regretté Ibou Sarr.
Briller pour attirer l’attention et changer la donne
Face à l’UCAD ce samedi pour le compte de la 9ème journée, les filles de CEMT peuvent faire un grand pas vers les premiers playoffs de l’histoire du club. Après deux premiers quarts temps accrochés, elles prennent le lead d’une courte tête à la pause (20-16). Dans ce match défensif, les filles de l’UCAD remportent le 3ème quart temps (11-17) pour virer en tête 31-33. Dans le money time, sous l’impulsion de Regina Diatta (20 points), meilleure marqueuse du match, CEMT reprend du poil de la bête devant son public et s’impose 46-41. C’est leur 5ème victoire en 9 journées. De quoi s’accrocher à cette 4ème et dernière place de la poule B, qualificative aux play-offs.
Pour attirer l’attention des autorités de Ziguinchor, CEMT a besoin d’accrocher l’une des 4 premières places de sa poule. « On fera tous les sacrifices nécessaires pour se qualifier en playoffs, assure Viviane Gomis. Parfois tu rentres à la maison après un entraînement, tu n’as rien à manger parce que ton argent de poche est alloué aux cotisations. Mais ça en vaut la peine car on a une belle équipe. Ça fait longtemps qu’une équipe de Ziguinchor n’a pas été en si bonne position. On se tue à la tâche au quotidien pour atteindre cet objectif. Ainsi, quand les autorités auront eu vent des exploits de CEMT de Ziguinchor, elles viendront nous appuyer. Même si c’est 50% de nos dépenses, c’est déjà un début ».
Les play-offs, les joueuses de CEMT en rêvent pour inverser la tendance dans cette ville de Ziguinchor où la balle orange souffre d’un déficit d’infrastructures. Pour franchir ce pallier, le club espère recevoir sur son propre terrain de l’école CEMT où il s’entraîne habituellement mais d’une surface en béton. « La région de Ziguinchor mérite une salle fermée. On joue plus durant les grandes vacances. Mais c’est une période qui coïncide avec la saison des pluies. Avant, nous attendons la réfection de notre terrain d’entraînement par la fondation Right to play. Ce qui va nous permettre d’être plus performant », espère Coach Sarr. Right to play leur a récemment offert 30 chaises et 6 ballons. Elle projette de construire des sanitaires au niveau du terrain du CEMT pour éviter aux joueuses de devoir se soulager dans les maisons environnantes.
Quatrième après ces 9 premières journées, une victoire d’avance sur Jaraaf et UCAD, CEMT a encore 5 matchs de saison régulière dont 3 déplacements cruciaux pour valider une qualification historique aux playoffs de National féminine 1. Il faudra au moins un succès à l’extérieur, sans doute face à la lanterne rouge, ISEG et surtout s’offrir à domicile le scalp de GBA, 2ème de la poule lors de sa prochaine réception. Les partenaires de Viviane Gomis devront dès lors continuer à se nourrir et s’auto-motiver avec tous ces éléments contraires parsemant le chemin vers l’objectif des play-offs.
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source : sportnewsafrica