Dans un entretien avec Le Quotidien (édition du 19 août 2020), l’ancien capitaine des Lions du basket, Makhtar Ndiaye, a déploré le règlement de Fiba-monde qui empêche aux pays africains de pouvoir disposer de leurs binationaux. Membre de Fiba-Afrique, Mathieu Faye abonde dans le même sens. Vice-président de la Commission de développement de l’instance continentale et membre de la Commission mondiale des joueurs, l’ancien international dégage des pistes.
Le débat sur les binationaux considérés comme des naturalisés enfle chaque jour. Un problème souvent posé au sein de Fiba-monde, mais sans suite. Le moment n’est-il pas venu pour les pays africains de se battre pour changer cette réglementation ?
Il faudrait effectivement qu’il y ait un débat là-dessus. Il faudrait que les Fédérations africaines s’accaparent de la question. Il ne faudrait pas que certains disent qu’ils ne sont pas concernés. Il faut réfléchir dans la globalité, dans l’intérêt d’ensemble du basket africain, quelles que soient la nationalité et l’origine de ces joueurs. A un moment donné, le problème a été posé au niveau de la Fiba-Afrique et on avait demandé aux présidents de Fédération de poser le problème sur la table. De fil en aiguille, ils ont essayé de trouver un semblant de solution.
Que dit concrètement ce règlement ?
La Fiba-monde dit que le gamin, avant l’âge de 16 ans, doit justifier un passeport. Mais ce qui me gêne par rapport à ça, sur le plan juridique, c’est que le passeport est un moyen de transport. C’est un document qui te permet de quitter un pays pour un autre. Il se trouve qu’une personne qui a une double nationalité peut se prévaloir de deux passeports. Alors, à quel moment un des passeports prime sur l’autre ? On a dit au joueur de choisir. Un gamin qui étudie en France à cet âge, c’est normal qu’il joue pour la France. Mais cela ne veut dire que sa nationalité soit hypothéquée par rapport à ça. Ils demandent aux pays africains de se manifester avant l’âge de 16 ans, de justifier que le gamin a été contacté avant l’âge de 16 ans. Certains pays ont rétorqué qu’ils forment les jeunes et après ils vont jouer pour un autre pays. Ce n’est pas faux non plus. C’est pour cela que je dis qu’il y a un effort à faire au niveau des Fédérations.
Pouvez-vous être plus précis quand vous parlez d’effort à faire ?
Cet effort consiste à ce que la Direction technique nationale mette en place un système de collaboration avec ces gamins. Malheureusement, ce travail n’est jamais fait. On attend toujours au dernier moment pour revendiquer la nationalité du gamin.
Est-ce qu’il ne serait pas judicieux d’allonger l’âge jusqu’à 18 ans par exemple pour permettre à ces binationaux d’avoir plus de maturité pour le choix du pays ?
C’est tout à fait possible. Ce serait une bonne chose parce que c’est l’âge de la majorité. Au moins, le gamin qui prend la décision le fera en tant que majeur et responsable. Ce ne sera ni par l’influence des parents, des amis ou de quelques Fédérations que ce soit. Ce serait un peu plus logique d’autant plus qu’on dit souvent que jusqu’à la majorité, tu n’es pas responsable. Cela pourrait être une des solutions à ce problème.
Aujourd’hui, le fait que la Fiba-monde soit dirigée par un Africain, Hamane Niang, qui connaît le problème, ne doit-il pas être un avantage pour les Fédérations dans ce combat ?
Je crois qu’il ne faudrait pas poser le problème sous cet angle. Hamane Niang est le président du basket mondial. Il n’œuvre pas pour le basket africain ou européen seulement. Il œuvre pour le basket mondial. Ce n’est pas parce qu’il est africain ou qu’il a eu à occuper des responsabilités sur le plan africain qu’il doit porter ce combat. Il est là pour écouter tout le monde. C’est le débat qui fera avancer les choses. Il ne faudrait pas que les gens se disent que c’est parce que le président de Fiba-monde est un Africain ou un Malien que de facto le problème va être réglé. Ce serait une erreur. C’est un président mondial.
Est-ce qu’il faut s’attendre à ce que le combat soit un vrai problème africain quand on sait que d’autres ne se sentent véritablement pas concernés par ce débat ?
Effectivement ; d’où la nécessité de donner un sens à la nouvelle Basketball Africa league. Avec cette ligue, c’est la promotion du basket africain qui est mise en avant. Ce n’est pas uniquement pour un pays. Si on est nombriliste, cela n’aide pas au développement du basket africain. C’est un discours à tenir lors des Congrès africains. Si on a de bons joueurs africains, mieux ce sera pour nos championnats aussi bien pour nos clubs que les championnats d’Afrique. Au-delà de tout cela, il faut qu’en Afrique on ait cette ambition d’avoir un championnat digne de ce nom et qui réponde aux besoins économiques qu’engendre le sport en général. Quand on analyse un peu le mode de fonctionnement de ce qui se fait aux Etats-Unis, en Europe, on est obligé de penser autrement.
Peut-on être optimiste quant à l’avenir des binationaux en Afrique ?
Ah oui, absolument ! Il y a combien de joueurs qui sont là et qui ne seront pas appelés à jouer en Equipe nationale d’Espagne, de la France ou celle d’Italie. Il y a une raison d’être optimiste, mais il faut qu’on manifeste cette volonté de vouloir changer les choses. On ne doit pas croiser les bras et attendre que ça vienne des autres. C’est une question d’intérêts. Et nous avons tous intérêt à aller en ce sens.
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Source : Le Quotidien