(Le Monde) La prestigieuse ligue américaine s’apprête à lancer un tournoi regroupant des équipes de douze pays du continent, afin d’y créer une véritable industrie autour du basket.
Tout était prévu pour le grand lancement à Dakar de la Basketball Africa League (BAL). Les douze équipes étaient prêtes, les salariés recrutés, le stade réservé, les artistes bookés. « On était à deux doigts de commencer la vente des billets », rappelle même le Sénégalais Amadou Gallo Fall, président de ce nouveau tournoi qui devait démarrer le 13 mars. Mais le coronavirus est arrivé, balayant tout sur son passage et repoussant, comme tous les événements sportifs, le coup d’envoi des rencontres à un jour prochain. « Mais nous sommes prêts, assure M. Fall. Nous continuons de travailler en coulisses, nous n’avons pas ralenti. »
La BAL est une compétition panafricaine organisée et subventionnée par la NBA et encadrée par la Fédération internationale de basket-ball (FIBA). La NBA ? Depuis plusieurs décennies déjà, la prestigieuse instance du championnat américain s’intéresse de très près à l’Afrique. D’ailleurs, quelques icônes de cette discipline sont issues de ce continent : le Nigérian Hakeem Olajuwon et le Congolais Dikembe Mutombo (RDC) sont respectivement premier et deuxième meilleurs contreurs de l’histoire de la NBA. « Ils sont tombés dans le basket par hasard : ces deux monstres de notre sport auraient pu passer à côté », raconte M. Fall, qui est également vice-président de la NBA et directeur de la NBA Afrique.
« Notre produit parle à la jeunesse »
Cette ligue, regroupant des équipes de douze pays (Sénégal, Mali, Algérie, Egypte, Maroc, Cameroun, Mozambique, Rwanda, Tunisie, Madagascar, Angola et Nigeria), est la dernière étape d’un long cheminement que la NBA a opéré dans cette partie du monde depuis près de vingt ans. Elle vient clore une stratégie de conquête de la marque en Afrique.
Il y a eu d’abord l’organisation de camps pour les jeunes (2003), puis l’ouverture d’un bureau à Johannesburg (2010), l’organisation de matchs d’exhibition (NBA Africa Games) en Afrique du Sud avec des stars du continent jouant dans de grands clubs américains, le lancement d’une académie estampillée NBA à Saly, au Sénégal, avec une vingtaine de jeunes aspirants, ou encore la construction d’une centaine de terrains de basket dans différents pays.
L’Afrique, nouveau « playground » pour le géant américain ? Le jeu de mots est facile, mais pour ses dirigeants, les retombées économiques et sportives semblent illimitées. « C’est le continent le plus jeune au monde, il a une affinité avec le produit que nous proposons, reconnaît M. Fall. Notre produit allie la musique, la mode, la technologie et le divertissement : il parle à cette jeunesse. Et c’est un continent qui a également énormément de talents athlétiques. Voilà pourquoi on a choisi l’Afrique. C’est là qu’on voit le plus grand potentiel et les opportunités pour attirer les fans. »
Pour maximiser ce « potentiel », il faut professionnaliser davantage le basket en Afrique. Pour cela, la NBA apporte toute son expertise et sa puissance financière : organisation et commercialisation du tournoi, production audiovisuelle, formation des entraîneurs et des arbitres, subvention des équipes pour leur permettre de voyager, de payer les joueurs, d’en recruter d’autres ou d’embaucher du personnel médical… Et son partenariat avec la FIBA – une première – permettra d’aider les fédérations nationales à mieux structurer leur administration.
« On ne peut pas lésiner sur les moyens si on veut changer la donne et former une expertise locale. Le but de la BAL est de créer une véritable industrie autour du basket. C’est tout un écosystème qui va se professionnaliser, explique M. Fall. C’est un investissement considérable de notre part. On a une approche sur le long terme, on est là pour toujours. On pose des jalons en y allant étape par étape. »
« Une marque de divertissement »
La BAL, qui aura ses bureaux à Dakar, a pu convaincre de grands sponsors, comme Nike ou la marque de ballons Wilson. Désormais, lorsque le tournoi débutera, il lui faudra attirer un public avec deux difficultés : le prix du billet et le remplissage des salles. Concernant le tarif des tickets d’entrée, la NBA Afrique assure qu’il sera « très abordable ». Et pour éviter que les terrains soient sans spectateurs, comme pour certains matchs de football de la Coupe d’Afrique des nations (CAN), l’organisateur a prévu des rencontres sur plusieurs jours, accompagnées de concerts ou de défilés de mode. « Nous sommes en train de construire une marque de divertissement », insiste M. Fall.
Le vice-président de la NBA assure également que la BAL sera vue, notamment à travers les télés, partout en Afrique et dans le monde. Le championnat, qui se jouera à Dakar, Monastir, Luanda, Lagos, Le Caire, Rabat et Kigali, est « destiné à promouvoir et développer des talents africains mais aussi à attirer des talents qui vont venir du reste du monde », ajoute-t-il. Créer de l’engouement, faire émerger des champions, professionnaliser le sport, démultiplier le nombre de fans, rendre accessible le basket, miser sur la formation, le spectacle… Tout cela pour développer la marque NBA en Afrique et toucher le plus grand nombre de jeunes.
Mais avec la BAL, l’idée n’est pas de créer un pont entre les Etats-Unis et l’Afrique, où les clubs de la NBA viendraient recruter des joueurs locaux. « Il y aura de la détection, mais je ne veux pas donner l’impression qu’on est en Afrique pour servir de tremplin, répond M. Fall. Ce que je veux, c’est développer des héros du continent qui vont inspirer les plus jeunes. Quand ces jeunes verront ces vedettes jouer, ils se diront qu’ils peuvent un jour intégrer la BAL. C’est plus réaliste que la NBA. Si tu es talentueux, tu as un chemin qui te permet d’évoluer. » La BAL devrait tracer son sillon à travers le continent et, comme le dit son président, « de toute façon, les meilleurs arriveront toujours en NBA ».
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Avec Mustafa Kessous (LE MONDE)